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Sainte Valérie

Sainte Valérie est une vierge martyre. Elle est la fille de Léocadius, gouverneur de Limoges et proconsul d'Aquitaine, sous le règne de l'empereur Caligula. Martial est envoyé de Rome pour évangéliser les Gaules. A Limoges, il convertit Valérie au christianisme. Suite à cette conversion, Valérie fait vœu de virginité pour se livrer à une vie contemplative. Mais le père de Valérie décède et un nouveau gouverneur est nommé. Il s'appelle Juluis Silanus (ou de façon plus légendaire, le Duc Etienne). Celui-ci veut épouser Valérie, mais elle refuse à cause de son vœu. Furieux, Silanus la condamne à la décollation. Valérie est emmenée sur le lieu de son supplice par Hortarius, l'écuyer de Silanus. En chemin elle lui annonce qu'il mourra avant la fin de la journée. La légende raconte qu'après sa décapitation, elle a porté sa tête à saint Martial et l'a déposé à ses pieds. Horatius est alors foudroyé. Martial le ressuscite. A la suite de ces évènements, Silanus se convertit et deviendra le Duc Etienne.

 

En 985, les moines de l'abbaye Saint-Martial de Limoges transférèrent les reliques de sainte Valérie sur les bords de la Voueize donnant peu à peu naissance au bourg de Chambon-sur-Voueize.

 

En fait, la légende de sainte Valérie se situe dans la droite ligne des affabulations du moine Adémar de Chabannes (v. 989-1034), qui ne craignit pas de produire des faux lors d'un concile pour justifier ce qu'il rapportait de la biographie de saint Martial, pour la plus grande gloire de l'évangélisateur du Limousin et de l'abbaye qui lui était consacrée à Limoges et à laquelle appartenait Adémar.

 

 

Les châsses reliquaires de sainte Valérie

 

Elles racontent la légende de sainte Valérie et le miracle de la céphalophorie ambulante dans des champs rectangulaires de l’un de ses cotés. L’autre coté place en parallèle la scène de l’épiphanie. La légende sainte Valérie associée à saint Martial diffusée dans une forme savante par Adémar de Chabannes au XIème siècle sera relayée par les Plantagenêts un siècle plus tard. Un anneau de la sainte fut passé au doigt de Richard coeur de Lion lors de son investiture dans la crypte de la cathédrale de Limoges décorée de l’Adoration des mages.

 

LE BUSTE-RELIQUAIRE DE SAINTE VALERIE

 

Il est exposé dans l’abbaye Sainte-Valérie de Chambon-sur-Voueize. Il a entièrement été réalisé en argent et se compose d’une tête, représentant la sainte martyre et d’un socle formant les épaules et le cou. La partie basse est surélevée au moyen de quatre pieds formés de petits cavaliers qui s’emboîtaient peut-être dans une base aujourd’hui disparue.

 

Une étude des années 1970 de l’érudit le Docteur Eybert a permis d’identifier les différents éléments de décor qui ornent le collier du buste reliquaire. D’après lui, le collier aurait été exécuté très précisément entre1368 et 1378, dates respectives de la naissance du roi de France Charles VI et de la mort de la reine Jeanne de Bourbon dont les blasons figurent sur le collier.

 

Le reliquaire en lui même, présentant des similitudes dans la technique et dans le décor avec le collier, semble dater de la même époque. La tête et le buste ont été volontairement fabriqués en deux parties distinctes pour matérialiser le martyre de sainte Valérie qui fut décapitée. La tête comporte ainsi à sa base une coupure visible de l’extérieur et peut être dissociée du cou. Ces deux éléments sont fixés par une tige filetée ancienne, probablement d’origine, se vissant dans une pièce de bois circulaire. La partie haute du crâne est mobile, ce qui permettait d’introduire la relique à l’intérieur du chef. Neuf feuilles en argent repoussé constituent le reliquaire. Une couronne et un collier, également en argent, ornent la chevelure et le décolleté de la sainte.

 

Tout comme la robe et la chevelure, ils sont dorés aumercure.La couronne présente plusieurs éléments décoratifs rapportés, fixés très régulièrement sur tout le pourtour. Une sardoine antique montée en bâte est gravée d’un personnage et d’un animal. De part et d’autre de cette pierre fixée au milieu de la couronne s’échelonnent des fleurs d’argent à quatre pétales. Le collier se divise en deux parties égales et mobiles. Sur un fond uni il présente un rebord torsadé comme sur la couronne. Huit pierres taillées en cabochon montées en bâte alternent avec seize fleurettes en argent doré et six écussons émaillés.

 

De part et d’autre de la charnière antérieure on peut voir des cristaux de forme carrée, des pierres ovales et une agate, un cristal de roche, peutêtre du corail et un cristal de roche avec une sorte de topaze de couleur brun doré. Les cinq écus représentant des armoiries sont en émail champlevé. Ces blasons ont été identifiés comme étant ceux de Charles V, du Dauphin futur Charles VI, de la reine Jeanne de Bourbon, de Louis II de Bourbon, frère de la reine et de Jeande la Marche, cousin de la reine. Le sixième écu, en émail translucide, est décoré d’une Vierge à l’Enfant.

Des liens entrent le développement du culte de sainte Valérie et la figure d'Aliénor d'Aquitaine ?

 

Ce rapprochement est permis par l'enrichissement de la légende valérienne au XIIème siècle, opéré depuis Chambon à l'occasion de la rédaction de sermons. La sainte devient la fille d'un riche et puissant seigneur, le duc Léocadius, qui lui lègue à sa mort l'ensemble des territoires dont il avait la charge, qui s'étendaient de la Loire à la Garonne. Comme Aliénor, Valérie devient donc la dernière héritière d'une vaste Aquitaine, le mari devenant dans les deux cas le successeur du père à la tête du duché. En 1200, l'Ordo ad benedicendun ducem Aquitaniae, rédigé par Hélie Aymeric, préchantre de la cathédrale de Limoges, pousse plus loin encore cette assimilation, introduisant la figure de sainte Valérie dans le cérémonial du couronnement des ducs d'Aquitaine dans la cathédrale de Limoges, et l'associant pleinement à Aliénor d'Aquitaine. On peut y lire que :

 

"Premièrement, le prince doit venir à l'église matrice du Limousin, dédiée au bienheureux protomartyr Etienne, qui est à la tête de toute l'Aquitaine en raison d'une certaine prérogative de dignité et excellence superéminente du très bienheureux Martial apôtre de Jésus Christ, qui a gagné au Seigneur le duc Etienne et sa fiancée Valérie, laquelle fut la fille unique et héritière de Léocadius premier duc d'Aquitaine".

 

Lorsque le fils d'Aliénor, Richard Coeur de Lion, est effectivement couronné duc en 1171, à Limoges on  lui passe au doigt "l'anneau de sainte Valérie". L'épisode est relaté par le seul Geoffroy de Vigeois qui, en écrivant en 1181-1182, est pratiquement contemporain des évènements. La cérémonie témoigne de la volonté des Plantagenêts, et plus particulièrement d'Aliénor, d'asseoir l'autorité du jeune duc et, en lui passant l'anneau de sainte Valérie, d'en faire un nouveau duc Etienne, modèle de prince chrétien dans la Vita Proxilior. Bernadette Barrière analyse avec une extrême justesse que le fait de recevoir à son doigt l'anneau de sainte Valérie permettait à Richard Coeur de Lion "d'être imprégné de la force d'âme exceptionnelle dont la vierge Valérie avait fait preuve en allant jusqu'à mourir pour sa foi, et de bénéficier en quelque sorte d'un transfert de transcendance".

 

A ce point associé à la dynastie Plantagenêt, sainte Valérie devient l'une des figures les plus représentées de l'Oeuvre de Limoges. Au XIIIème siècle, dans un contexte d'intensification de la production, son image orne plus d'une vingtaine de châsses émaillées parvenues jusqu'à nous.

 

(Source - Jean-Christophe MASMONTEIL "Les saints du Limousin")

             Valerie of Limoges (3rd c.), virgin and martyr. According to legend, Valerie was converted to Christianity by Saint Martial of Limoges, and was later beheaded for refusing to marry Duke Steven. After her beheading, Valerie supposedly carried her head to Saint Martial and presented it to him.

 

On a time died the holy woman Susanna, and before her death she recommended to [St. Martial] her daughter, [who] was called [Valerie], which had promised and avowed to our Lord chastity as long as she lived. After, when the holy maid knew that there should come to Limoges a lord named Steven, [who] was lord of all the province from the river of Rhone unto the sea, she was sore afraid lest he would do to her any grief or [annoyance] against her vow, and gave away all her riches to poor folk for the love of God.

 

When the said Steven was come to Limoges, he made to do come [before] him the holy maid, to the end to have his will of her; but when she was come and he saw that she would not consent to do his will, anon he made her head to be [cut] off. Then the squire that beheaded her heard the angels sing, [who bore] the soul of the holy virgin into heaven, with much great joy and solemnity, and anon he returned unto his master and told him all that he had seen and heard, and [then] fell down dead at his feet. Then the duke and all his company had much great dread, and the duke himself clad him next his flesh in a sharp hair and hard, for great repentance...

À ce collier sont fixées quatre pendeloques, trois antérieures et une à l’arrière. La présence de petits crochets sur la bordure atteste qu’il en existait quatre autres à l’origine. La pendeloque centrale est en forme de médaillon circulaire et constitue un très beau bijou. Il s’ancre dans la tradition du bijou médiéval par ses matériaux et par son montage. Le visage de sainte Valérie est entouré d’une chevelure épaisse dégageant le bas de la nuque.

 

Un travail minutieux de ciselure donne à l’ensemble des cheveux un aspect ondulé et bouclé. Une étude de Barbara Drake Boehm, conservatrice au Metropolitan Museum of Art de New-York, compare le visage du buste-reliquaire de Chambon-sur-Voueize à deux autres statues datées du XVe siècle : l’une  représentant également sainte Valérie est conservée au musée du Louvre, l’autre est la figure d’une sainte non identifiée conservée au musée de Guéret. Les trois visages sont similaires : des joues rondes, les yeux en amande, un petit menton saillant, un port de tête altier. De plus, ces trois représentations féminines ont le même décolleté de robe, très typique des costumes féminins portés du XIIe au XIVe siècle.


En 1911 une réplique du buste-reliquaire de sainte Valérie est  exécutée pour l’église Saint-Michel-des-Lions à Limoges. De grandes similitudes apparaissent entre les deux objets : emploi du même revêtement doré pour le traitement de la robe, des cheveux et des deux bijoux et même parti décoratif pour l’ornementation de la couronne et du collier. Cependant, la comparaison s’arrête ici : le buste reliquaire de Saint-Michel-des-Lions présente des différences importantes dans la technique d’exécution, le style et la structure.

 

(Source - Dossier de protection monuments historiques,CRMH, DRAC du Limousin)

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