Crosses émaillées
Dans les textes évangéliques reviennent souvent la comparaison entre le Christ et le berger, et plusieurs paraboles mettent ce dernier en scène. Jésus est le bon pasteur. Ceci s’explique par le fait que le christianisme, comme le judaïsme, sont des religions nées dans des pays d’élevage de moutons. L’attribut des ministres du culte est donc le bâton de berger, mais celui-ci a connu une sensible évolution au cours des siècles.
La crosse aura donc un rôle symbolique important pour le christianisme dans la représentation, et l'Oeuvre de Limoges ne manquera pas de fournir ces pièces indispensables à la célébration de la liturgie.
La fonction de la crosse dans la liturgie
« La crosse ou le bâton pastoral », car selon sa forme celui-ci s’est appelé « férule », « tau », ou « crosse ».
Actuellement, nos régions occidentales ne connaissent plus que le bâton courbé, mais autrefois les mêmes termes de « cambutta » ou de « bacula » désignaient indifféremment les diverses variétés sans qu’un texte isolé puisse donner une précision de forme. Dans l’Eglise grecque, il n’existe même pas de texte ancien concernant le bâton pastoral proprement dit. La canne est droite et ornée d’une pomme d’ivoire ou d’ébène. Ce n’est qu’au XIIIe siècle que la crosse à volute se fixera, en Occident, comme attribut de l’évêque.
Origine du bâton pastoral. La férule, le tau. – Le bâton pastoral dérive évidemment de celui du voyageur. Très anciennement, les fidèles venaient aux offices avec leur bâton, puisque les rituels des premiers siècles leur recommandaient de le déposer pendant l’évangile. Il leur servait à s’appuyer pendant les longues cérémonies auxquelles on assistait debout.
Quoi qu’il en soit, nous ne trouvons pas de témoignage indiscutable du bâton pastoral employé comme tel avant le Ve ou le VIe siècle, bien que cet usage soit vraisemblablement antérieur. Une lettre du pape Célestin Ier (422-432) et la vie de saint Césaire d’Arles (+ 542) mentionnent la crosse dans ce sens, et dès lors les textes la citent fréquemment.
Le pape a porté un bâton pastoral droit, la « férule », sorte de sceptre terminé parfois par une pomme, plus souvent encore par une croix simple ou double. Les Pontifes portaient la férule lors de leur intronisation au Latran. Sixte-Quint l’abandonna en 1585. Mais certains archevêques du moyen âge l’avaient également utilisée. On la voit, par exemple, aux mains des statues de la façade de Berteaucourt-aux-Dames (XIIe siècle), et sur le sceau de Philippe, archevêque de Sens, en 1339.
Le « tau » est une autre forme de bâton pastoral très usité au moyen âge jusque vers le XIIIe siècle. Il doit son nom à la lettre T qui le représente. Le tau de saint Loup (évêque de 427 à 477), conservé à Briennon-l’Archevêque (Aube), serait le plus ancien bâton pastoral connu, s’il est bien authentique, comme on le croit ; la hampe de bois se termine par un barillet allongé en cristal de roche, enchâssé dans une douille d’argent et surmonté d’un cabochon dans une bâte. Beaucoup d’autres sont en ivoire sculpté ; citons celui de Fécamp, de la période romane, qui possède un personnage central entouré de deux volutes. Celui de Deutz, également roman, et celui de Gérard, évêque de Limoges, mort en 1022, sont aussi en ivoire ; deux têtes de lion les terminent. Le tau de l’abbé Morand (990-1004), à Cluny, est une simple béquille d’ivoire ciselé. Celui de la collection Soltykoff, très beau travail au-dessous de la hampe de gravures très riches. Notons aussi le tau de bronze (XIIe siècle) de la cathédrale de Coïmbre, et celui d’ambre du patriarche russe Philarèthe Nikitich, conservé autrefois à Moscou dans le trésor de la cathédrale.Il est bon de noter qu’il est facile de confondre les taus avec les bâtons de chantre, qui sont de forme identique.
Les plus anciennes crosses. – La crosse ne fut à l’origine qu’un bâton recourbé ; elle devint l’un des insignes de l’évêque et, très tôt, par extension, des abbés et abbesses.Toutes sortes de matières furent employées pour fabriquer les diverses variétés de bâtons pastoraux : bois, ivoire, corne, argent, etc.On trouve même parfois dans les tombeaux des crosses de plomb, comme celle de l’abbé de Jumièges, Guillaume, mort en 1142, mais celles-ci avaient une valeur figurative.
(Source - « Liturgia, encyclopédie populaire des connaissances liturgiques » publié sous la direction de l’abbé R. AIGRAIN aux Editions Bloud et Gay, en 1931)