Seconde Bible de Saint Martial de Limoges
Le style limousin "aquitain" atteignit son apogée dans l'oeuvre du maître de la seconde Bible, qui le poussa jusqu'à un point de perfection indéniable.
Cette seconde Bible de Saint-Martial est un manuscrit de format atlas, relié en deux volumes. Son parchemin, réglé à la pointe sèche est très fin et souple. Chaque début de livre et les prologues sont ornés d'une lettrine et de grands canons en pleine page sont conservés dans le second volume. La virtuosité de son dessin et l'extraordinaire foisonnement de son bestiaire, ainsi que ses initiales historiées en font un chef-oeuvre de l'enluminure romane.
A retrouver sur le site de la BNF Gallica les manuscrits Biblia Sancti Martialis Lemovicensis altera. I, et Biblia Sancti Martialis Lemovicensis altera. II) pour vos recherches.
Datation de la Bible de Saint-Martial de Limoges
Ce manuscrit est daté de la seconde moitié du XIème ou du début du XIIème. Il a été exécuté sous l'abbatiat d'Adémar, le premier abbé clunisien de l'abbaye de Limoges, et sa fidélité aux traditions limousines "aquitaines" n'en est que plus remarquable à un moment où les clunisiens vivant à Limoges avaient pu tenter d'introduire des habitudes de l'atelier Bourguignon.
Les lettres ornées s'inspirent toutes des schémas des lettrines franco-insulaires, du type de celles de la seconde Bible de Charles le Chauve, qui eurent un grand succès auprès des enlumineurs romans. Cependant l'artiste a enrichi de rinceaux "aquitains" dessinés à la plume sur des fonds de couleurs vives. Les palmettes "aquitaines" ont tantôt la forme traditionnelle d'un éventail composé de plusieurs feuilles aiguës, tantôt celle de minuscules feuilles d'acanthes. A côté de ce décor commun à de nombreux manuscrits du sud-ouest apparaît un second décor floral, très original.
Les animaux entrent pour une grande part dans la décoration des lettres ornées, mais la Bible ne contient aucune initiale zoomorphe, comme on en trouve dans le lectionnaire et le tropaire-prosier de l'abbaye de Saint-Martial.
Les animaux ont surtout été utilisés en dehors du cadre de la lettre pour achever de remplir l'espace réservé à l'enluminure. Le bestiaire de la Bible est très varié. A côté d'animaux tels que le chien, le renard, le lièvre, les oiseaux, le serpent, les boucs ou les poissons, qui paraissent être les thèmes de prédilection de l'artiste, il faut signaler une chouette aux plumes ébouriffées (assez rare dans l'art roman). Le peintre s'est aussi inspiré des ivoires et des tissus précieux d'origine arabe et orientale. Des éléphants aux pattes griffues portant un tapis sur leur dos soutiennent des colonnes des canons. Les cerfs, les oiseaux de proie, les griffons, les lions hiératiques, les singes de cette Bible qui se retrouvent trait pour trait dans l'Apocalypse de Saint-Sever ont sûrement la même source d'inspiration ...
D'autres monstrent rappellent des thèmes de la basse antiquité qui peuvent avoir été transmis par l'intermédiaire des Carolingiens, comme la chimère.
(Source - "Décoration des manuscrits à Saint-Martial de Limoges et en Limousin" / Gaborit-Chopin)
Le début du XIIème marque une seconde étape dans la production de manuscrits du scriptorium de l'abbaye Saint-Martial de Limoges
De cette reprise deux chefs d'oeuvre expriment toute l'importance : la seconde Bible et le Sacramentaire.
Notons tout d'abord que cette seconde Bible a été décorée par deux artistes, de qualité d'ailleurs inégale.
Le cadre de la plupart des images reproduit les arcatures en plein cintre ou à pans coupés de l'Apocalypse de l'abbaye de Saint-Sever-sur-Adour en Gascogne. Les pièces architecturales en trois parties qui les surmontent, aux coupoles surbaissées reliées par de longues lignes de faîtes tangentes aux extrados des arcs, semblent décalquées aussi sur le manuscrit de Saint-Sever. En même temps qu'à Limoges cet apport gascon, apport de formes et de garnitures, passait en Poitou et en Anjou sans que l'on puisse prouver que Saint-Martial servit de truchement.
Les curieux soubassements en forme de personnages accroupis ou dansant proviennent, comme certains chapiteaux à lions, de modèles carolingiens, Limoges les ayant prêtés à son tour à l'Italie comme en témoigne dès la fin du XIème l'ambon de Saint-Ambroise de Milan.
Les plis serrés, empesés, les étoffes appliquées sur le corps et moulant les muscles rappellent en revanche Toulouse et Moissac.
L'artiste de cette Bible tout imbu de l'art de son pays est avant tout, chose essentielle, un grand artiste, dessinateur exact et soigneux, à la graphie précise comme une épure, et qui sait par des contrepoids subtils, assouplir des petits tableaux que durcirait un équilibre rigoureux encore accusé par la vivacité légère et uniforme des coloris.
(Source - le Limousin roman / Editions Zodiaque)
Moise à ses pieds
au Boeuf de saint Luc