Place forte de Châlucet
Le château de Chalucet est jugé sur un éperon rocheux dominant la confluence de la Briance et de la Ligoure, situé à Saint-Jean-Ligoure.
Enjeu de pouvoir pour les seigneurs locaux, appartenant au domaine de l'abbaye de Solignac, la seigneurie de Chalucet était avant tout le symbole de la puissance seigneuriale pour ceux (évêques ou vicomtes de Limoges principalement) qui s'en disputaient l'usage et le contrôle.
À la fin du XIIIe siècle, Géraud de Maulmont, conseiller des vicomtesses de Limoges Marguerite et Marie et du roi de France, déjà bâtisseur de Châlus Maulmont, transforme la petite forteresse fondée par les Bernard de Jaunhac pour le compte de l'abbé de Solignac en un immense palais fortifié.
Un nouveau regard sur Châlucet par Christian Rémy, historien (Département de la Haute-Vienne)
Chalucet devient alors le plus grand château fortifié du Limousin. Ironie de l'histoire, son rôle défensif, avant tout dissuasif jusqu'au XVe siècle, a été pleinement utilisé durant la guerre de Cent Ans par des bandes de pillards qui écumaient le pays.
Le château de Chalucet, qui a fait l'objet de plusieurs campagnes de restauration depuis 1990, est une forteresse médiévale, au but prioritairement défensif, constituée du château - situé en haut d'un éperon escarpé et boisé et représentant le centre du "haut Chalucet" - et de la Tour Jeannette - donjon carré du XIIe siècle, constituant avec les ruines des corps de logis qui l'environnaient le "bas Chalucet". Le plan général de la forteresse est trapézoïdal composé de corps de logis (jadis voûtés), de cours et d'un donjon.
Châlucet s'impose comme un ensemble remarquable par la juxtaposition de deux entités castrales qui offrent un rapport à la résidence, à la défense et à l'expression du pouvoir nettement différencié : le bas castrum s'apparente aux modèles vernaculaires connus par ailleurs dans la région et présente de fortes similitudes avec les morphologies méridionales, c'est à dire un habitat aristocratique très largement collectif mais aux pouvoirs éclatés, le haut château offre l'image d'un ensemble monumental plus homogène, plus cohérent, conçu par un architecte : il s'agit d'un modèle "importé", étranger aux conceptions castrales des seigneurs limousins, et caractérisé par un pouvoir centralisé et une résidence "privatisée".
Chateau de Châlucet
Il est sans doute l'ensemble castral aujourd'hui le mieux connu en Limousin. Le palais du château neuf reste sans équivalence et sans véritable descendance régionale. En revanche, il doit être mis en perspective avec certaines réalisations princières, royales ou pontificales.
Châlucet offre un ensemble panaché : son haut castrum, étant un peu un château du nord de la France planté dans une terre d'Oc, le bas château ayant des parfums de castrum du midi. Le bas château et l'essentiel des castra limousins ou périgourdins présentent certes, bien des similitudes avec les modèles méridionaux : on y retrouve une certaine mixité de la société, le caractère "touffu" de l'habitat et la médiocre prise en compte des questions de défense active, la fragmentation des pouvoirs. La différence tient peut-être au fait qu'au nord, le phénomène de concentration des droits sur le château a été non seulement plus précoce mais aussi plus abouti : en Limousin-Périgord, la co-seigneurie s'est largement maintenue jusqu'à la fin du Moyen Age, en tous cas jusqu'à la guerre de Cent Ans.
(Source Châlucet - Organisation de l'habitat castral et expressions du pouvoir / Christian Rémy)
LE CASTRUM-BAS DE CHALUCET
Châlucet a été fondé vers 1130 par deux chevaliers de la famille des Jaunhac, suzerains du vicomte de Limoges. Le castrum était alors dirigé par plusieurs chevaliers (entre 20 et 30 familles), qui en étaient les co-seigneurs. En échange de leur protection militaire, ils recevaient une maison, un jardin et une rente payée par les villages des environs.
Autour de la tour Jeannette, qui était la tour du bas castrum, il y avait un véritable village. On sait aussi qu’il y avait des faubourgs, des jardins, des vergers et peut-être des vignes.
De ce "castra lucii inferiori", la tour Jeannette (du prénom d'une jeune bergère jetée dans un cachot de la tour, selon une tradition locale) est donc l'élément le plus visible et le mieux conservé aujourd'hui. Cette tour, qui était probablement le donjon du château bas, est de plan carré (8,25 m de côté) et s'élève sur une hauteur de 23 m. Intérieurement, quatre niveaux la composaient. Elle s'apparente, par ses dimensions et son architecture (matériaux, dalles de schiste roux, contreforts plats, entrée unique à l'étage -porte en plein cintre à 4 m du sol-), aux autres tours-maîtresses de la vicomté de Limoges. Elle présente toutefois la particularité d'être équipée d'un seul contrefort par face en position médiane.
Du château-haut, construit par les Jauhnac, il ne reste aujourd’hui aucun vestige visible. On pense qu’il y avait une tour et un logis seigneurial.
(Source Châlucet - Organisation de l'habitat castral et expressions du pouvoir / Christian Rémy)
Dans les maisons du bas-castum l'on peut parler d'étages nobles pour la plupart, il apparaît que la vocation des rez-de-chaussée était surtout domestique : cuisines de service, voire logements des domestiques, écuires ou remises.
L'aristocratie castrale est représentée par le groupe des milites castri. On les retrouve signalés dans les sources par l'expression "chevaliers de Châlucet" mais beaucoup d'entre eux ne sont que "damoiseaux". Une dizaine de lignages parmi les milites ont été attestés.
La tour "Jeanette" est un édifice à plan carré qui occupe le centre du castrum. Elle ne possède pas de véritables dispositions permettant de lui assurer de une fonction résidentielle. Elle prend place dans une série de tours-mîtresses dans la vicomté de Limoges pour la fin du XIIème.
Le vicomte de Limoges, Gui VI, réussit à s’emparer d’une partie de la suzeraineté sur Châlucet. La position du site est idéale pour contrôler Limoges et les routes qui y mènent. Le château devient la base d’opérations contre les habitants de Limoges pendant la guerre de la vicomté (1260 – 1277). Gui VI était soutenu par le roi France ; les habitant de Limoges par les Plantagenêt qui occupaient toute l’Aquitaine.
(Source Châlucet - Organisation de l'habitat castral et expressions du pouvoir / Christian Rémy)
Le château haut forme un grand quadrilatère d'une longueur de 70m et d'une largeur de 43m au sud et de 27m au nord. Des tours cylindriques, possédant pour certaines des espaces résidentiels avec latrines et un escalier à vis, flanquaient ses angles et le milieu de la courtine-écran sud. Celle-ci, haute de 25 m, est séparée du plateau qui lui fait face par un profond fossé artificiel. On y découvre, à mi hauteur, sa gaine, ou couloir de circulation voûté ménagé dans l'épaisseur du mur (comme au Coudray-Salbart) et ses superbes archères cruciformes à étrier.
La façade nord a conservé le dispositif défensif de sa porte (assommoir et herse) et les défenses sommitales de la tour-porte (créneaux et mâchicoulis). De part et d'autre de celle-ci, on remarque trois fentes de jour au rez-de-chaussée, et deux superbes fenêtres en arc brisé à l'étage supérieur. L'entrée du château était protégée par une barbacane de plan polygonal, ouverte à l'est. Un second réduit à l'intérieur de la barbacane protégeait directement l'entrée du château.
Au milieu de l'enceinte trapézoïdale se dresse un donjon rectangulaire (10 m x 7,80 m) encore haut de 32,50 m (il mesurait, avec sa guette de sommet, 40 m avant l'effondrement de sa face nord-est). Son plan est très particulier, car sa face sud-ouest (celle qui regarde le plateau) est renforcée par un éperon triangulaire et ses faces latérales sont munies d'un seul contrefort plat médian. Ses murs témoignent de plusieurs campagnes de construction. A la base, ce sont des dalles de schiste empilées avec peu de mortier ; au milieu, ces mêmes dalles de schiste sont liées dans un mortier plus épais et les arêtes des angles sont soulignées par des chaînages de pierre de taille ; enfin, la partie haute est construite en moellons de granit clair plus ou moins réguliers. Une tourelle d'escalier (qui s'est effondrée avec la guette en 1918) permettait l'accès aux différents étages.
De rares ouvertures percent les murs du donjon (comme pour la tour Jeannette) et trois portes en arc plein cintre se voient sur les faces sud-est, nord-ouest et nord-est (porte intérieure).
En 1299, à la mort de Géraud de Maulmont, le château revient à l’un de ses héritiers. En 1305, le roi de France Philippe IV dit le Bel met la main sur la forteresse limousine. Il n’y met jamais les pieds et nomme des châtelains chargés de l’entretien et des affaires courantes.
En 1317, son successeur le roi Philippe V cède Châlucet à son fidèle conseiller Henri de Sully. Lui non plus n’y a jamais résidé. Les Sully ont très peu modifié le château.
LE CASTRUM-HAUT DE CHALUCET
Un des ministres de Gui VI, Géraud de Maulmont, récupère les droits seigneuriaux sur Châlucet pendant la “guerre de la vicomté”. Il fait construire un véritable palais fortifié à la place du premier château haut : barbacane, chemin de ronde, mâchicoulis, herse et vantaux sont autant d’éléments de défense. A chacun des angles du château se trouvent des tours rondes. C’est un monument unique en cette fin du XIIIe siècle, qui exprime toute la puissance de son seigneur.
A la fin du XIIIème siècle, en Limousin, ce château restait totalement inégalé. Aucun féodal, pas même les familles vicomtales, n'ont financé de palais fortifié aussi abouti dans sa dimension emblématique. Géraud de Maulmont s'est fait bâtir une résidence de rang princier dont la conception se voulait totalement étrangère aux productions vernaculaires.
L'examen attentif de Châlucet montre clairement que son constructeur a voulu impressionner : par le gigantisme, par le décor, la conception d'ensemble. Pour autant la réalisation reste empreinte de savoir-faire vernaculaire. En Limousin, il n'existe aucune trace de château au plan flanqué de tours d'angle avant le dernier quart du XIIIème siècle, c'est à dire avant les réalisations de Géraud de Maulmont. Châlucet est bien le premier cas d'enceinte géométrique.
Au nord, une barbacane complétait la défense de l'entrée du château. Construite probablement peu de temps après l'achèvement de la façade, elle possèdait une entrée percée à l'est. Le portail, condamné par deux trous barriés, ouvrait sur une petite cour polygonale. Puis une seconde porte desservait une rampe dallée parallèle à la façade jusqu'à l'entrée du château. En retrait, la porte est fermée par deux vantaux, protégée par une herse et un assommoir commandés depuis le niveau supérieur ouvert sur la cour et muni d'une archère.
Le plan d'ensemble est un vaste quadrilatère irrégulier flanqué de tours rondes aux angles et d'une tour en amande au centre de la courtine sud. Le tracé irrégulier de la courtine ouest a probablement été rendu nécessaire par l'intégration de structures du castrum antérieur. Au sud, la courtine, situé au point le plus vulnérable du site, face au plateau, se présente comme un mur bouclier, avec sa forte épaisseur, complété par des tours de flanquement de fot diamètre
La chapelle (deux sont mentionnées dans les textes médiévaux, sous les noms de Saint-Blaise et de Saint-Thomas) occupe l'extrémité de la plate-forme rocheuse, au nord du château haut. Elle domine, à l'est, la porte du Capitaine et la met ainsi sous sa protection spirituelle. Elle résulte de l'extension, vers le XVe siècle, d'une tour à contreforts. On y accède par le portail sud. A l'intérieur, on y repère le chœur, orienté à l'est, la base de l'autel et la cuve baptismale. Pendant les fouilles archéologiques de 2001, neuf sépultures ont été mises au jour. Leurs datations s'échelonnent du XIVe siècle (1329-1350) au XVIe siècle.
En 1369, Perrot le Béarnais et sa troupe s’emparent de Châlucet. Pendant 13 ans ces soldats, qu’on appelle les routiers* s’attaquent aux habitants des alentours. Perrot était un des plus puissant brigands du royaume, mais l’armée du roi de France réussit à le déloger de la forteresse en 1394 contre une énorme rançon.
Après le départ du Béarnais, les Sully transmettent le château à Charles d’Albray. Lui aussi nomme des châtelains pour s’occuper de Châlucet.
Ceux-ci abusent de leur pouvoir et se comportent comme des routiers. Châlucet est peu entretenu et tombe en ruine.
C’est la période des guerres de religion. En 1594 des ultras catholiques veulent s’installer dans le château. Pour les en empêcher, la ville de Limoges envoie 100 ouvriers pour démanteler la forteresse.
En quatre jours, Châlucet est réduit à l’état de ruine.
CHALUCET : L'EXEMPLE D'UNE CO-SEIGNEURIE
Un castrum limousin au XIIIe siècle est un ensemble complexe, ressemblant davantage à une agglomération fortifiée. On peut esquisser – schématiquement – quelques tendances de fond. On distingue d’abord un enclos seigneurial comprenant une tour-maîtresse (le « donjon »), une grande salle (pour la justice et les réunions publiques), le logement du seigneur et de sa famille, parfois une chapelle. Ce premier réduit commandait un second enclos, plus gros, comprenant les résidences des chevaliers qui participaient à la défense du site. Chaque chevalier disposait d’un logement (« de fonction »), souvent constitué d’une tour, d’une cour, d’annexes. Ces maisons de chevaliers se répartissaient le plus souvent le long de l’enclos. Chaque portion de l’enceinte était ainsi défendue par un chevalier et les siens. Parfois, on y trouvait aussi une chapelle. Ces deux entités aristocratiques – constituant le castrum proprement dit – dominaient souvent un habitat non-noble subordonné : on parle de bourg castral car la naissance et le développement de cette agglomération « villageoise » ont été voulues par les habitants du castrum. Cette troisième entité est parfois fortifiée et comprend presque toujours des faubourgs. Le résultat donne un ensemble fortifié très hétérogène, chaque résidence de chevalier jouissant d’une certaine autonomie, parfois d’une poterne séparée pour accéder librement aux jardins et vergers situés autour du site fortifié.
La situation était souvent compliquée par le phénomène de la coseigneurie. Les droits seigneuriaux, donc la jouissance de la tour-maîtresse, étaient partagés en autant de parts que de coseigneurs (on pouvait être coseigneur pour 1/4e, 1/8e ou 1/32e !). Châlucet n’échappait pas à cette tendance : au XIIIe siècle, les Jaunhac partageaient la direction de la seigneurie avec les Bernard, les Périgord, les Montcocu. L’exemple limousin sans doute le plus évocateur de cette réalité de la coseigneurie et de la fragmentation de la défense reste le castrum de Merle (dont beaucoup de bâtiments datent des XIVe et XVe siècles mais dont la structure d’ensemble n’a pas été remodelée).
En tout cas, on n’a pas, au XIIIe siècle en Limousin, de forteresse au tracé géométrique, régulièrement flanquée de tours rondes, munies d’archères, et dont le seigneur contrôle totalement la défense. Les seigneurs limousins devaient composer avec leurs chevaliers. On ne peut guère qu’évoquer le cas isolé d’Excideuil où le vicomte a tenté de mettre de l’ordre dans l’organisation de la défense et a contraint les chevaliers à rebâtir un certain nombre de maisons selon une sorte de « plan d’alignement des façades ». Mais ni à Aixe, ni à Ségur, ils ne sont parvenus à rationaliser la défense.
CHALUCET : UN PALAIS-FORTERESSE
Le château neuf du haut Châlucet est d’une conception totalement nouvelle. Il s’agit d’une résidence seigneuriale aux dimensions inédites, mettant en œuvre un raffinement inégalé et plusieurs innovations.
Le plan d’ensemble est régulier (un trapèze) et flanqué de tours rondes aux angles. Les fronts N et S sont surélevés pour former des courtines-écrans ; le front Sud est un véritable mur-bouclier (avec sa gaine d’archères). Les corps de logis sont disposés le long des courtines selon une logique hiérarchique (chapelle, salle, chambres). Les circulations sont fluides (vis aux angles, couloirs, coursières ?). L’accès est contrôlé (portail au Nord, sas, puis couloir, puis haute cour). Le donjon, avec son étrave et le bâtiment qui l’enserre, est sans doute antérieur mais a été surélevé.
Cette réalisation est une résidence luxueuse, un palais magnifié par ses dimensions. Les salles étaient toutes chauffées par des cheminées, les chambres toutes flanquées de latrines. Les voûtes, les nombreuses sculptures (certaines en calcaire), les fenêtres dotées de vitrages, les sols ornés de carreaux bicolores et les murs peints contribuaient au confort. Outre son programme architectural, c'est aussi par la profusion et la richesse de son décor que le château de Châlucet se distingue des autres édifices contemporains en Limousin à la fin du XIIIème siècle.
Il s’agissait aussi d’un château-fort. Son plan régulièrement flanqué, la hauteur des murs, la courtine-écran avec sa gaine à archères, les mâchicoulis, la herse, l’assommoir sont autant de moyens d’assurer activement la défense contre un ennemi.
Mais ce palais-forteresse est aussi un monument emblématique qui signifie le pouvoir et les prétentions de son constructeur. On remarque une certaine mise en scène, une théâtralisation de la défense et du luxe (créneaux du front Nord, mâchicoulis).
Situé au centre de la partie orientale, le logis comprend les volumes les plus vastes du château et les plus amples que l'on connaisse à la fin du XIIIème siècle en Limousin (32*10 m). Accessible depuis la cour d'entrée du château, la salle basse est divisée en deux vaisseaux de sept travées par les colonnes intermédiaires des voûtes. Largement éclairée par des fentes de jour percées dans presque chaque travée, elle possède une cheminée aménagée dans le mur gouttereau ouest. Entièrement revêtue de carreaux émaillés et située sous la grande salle du palais, cette salle basse a dû avoir une fonction largement publique associée à l'aula. Cette salle haute était certainement couverte d'une charpente en berceau.
QUI A VOULU CHALUCET ?
Le commanditaire est aujourd’hui parfaitement cerné. Il ne s’agit ni du roi de France, ni du roi d’Angleterre, ni des vicomtes de Limoges. Le constructeur est clairement identifié : il s’agit de maître Géraud de Maulmont.
Cadet d’un lignage de chevaliers de la région de Nontron-Châlus, il apparaît dans les sources à partir de 1262. D’abord clerc des vicomtes de Limoges, puis d’Alphonse de Poitiers, puis des rois de France, il sut se hisser au sein du Conseil des rois Philippe le Hardi puis Philippe le Bel. Membre du Parlement royal, il était une sorte de « spécialiste » des questions aquitaines au gouvernement. La qualité de « magister » semble faire référence à une formation de juriste. Devenu chef de lignage en 1267 par la mort de son frère aîné, Adémar, maître Géraud entreprend la constitution d’un patrimoine important. A partir de 1272, il devient seigneur de Châlucet, de Châlus, de Courbefy, de Bré, de Bourdeilles, de Saint-Pardoux-la-Rivière, de Montfort (en Bourgogne). Il possédait également une tour à côté de la cathédrale de Limoges, un manoir à côté du castrum d’Aixe, un hôtel particulier proche du Louvre à Paris. Affairiste, prévaricateur, violent, il accumula les sources de revenus et les postes prestigieux. Il fut chanoine du Puy, de Lyon, de Bourges, de Limoges, abbé du Dorat, chambrier du pape Boniface VIII. Il percevait des pensions de princes désireux de bénéficier de son influence auprès du roi (le vicomte de Rochechouart, le comte de Poitiers, le comte d’Artois). Il semble avoir également été manieur de fonds. Il construisit beaucoup : on peut lui attribuer au moins six chantiers de châteaux.
Châlucet est un site particulier : le château neuf du haut Châlucet est un monument exceptionnel, hors norme par rapport aux autres châteaux limousins de son époque. Il s’agit de l’un des premiers palais princiers du royaume à la fin du XIIIe siècle. A ce titre, il faut le comparer à Villandraut ou à un palais royal comme celui de la Cité à Paris. Il s’agit pourtant d’un édifice voulu par un simple clerc limousin et non par un pape ou un roi. Cela justifie que l’on réhabilite ce palais-forteresse en lui redonnant un peu de son lustre d’antan. On ne peut que souhaiter que les travaux de mise en valeur qui sont entrepris actuellement contribueront à rendre plus lisible la monumentalité, le luxe et la force de cet édifice.
(Source - Christian Rémy)
Carreaux de pavement glaçurés
Plus d’un millier de carreaux de pavement ont pu être retrouvés au sein du château de Châlucet. Ils se dissocient en trois types décoratifs : les carreaux estampés bicolores, les monochromes parfois incisés et découpés en petits éléments de mosaïque rectiligne et les carreaux à glaçure stannifère peints en vert et brun. Contrairement à ce que l’on a pu observer dans d’autres régions, les carreaux de faïence et les carreaux estampés, pourtant probablement contemporains, ne semblent jamais s’intégrer au même ensemble.
Les recherches se sont attachées à un inventaire des pièces conservées, suivi d’une étude descriptive des caractéristiques morphologiques et techniques de chaque fragment. Une quinzaine d’échantillons représentatifs de la collection ont par la suite été analysés. Ces différentes données analytiques ont permis de mettre en évidence la présence de deux productions distinctes, donnant lieu à deux types de pavements.
La plupart des carreaux de faïence, proviendraient de l'une des salles d'apparat du château et s’intègreraient selon toute vraisemblance dans le même ensemble (sol d’étage effondré), ce qui, d’après Jean Rosen en ferait l'un des premiers pavements civils faïencés connus à ce jour, avant celui de Brain-sur-Allonnes (Rosen, 2000). Deux d’entre eux représentent des blasons attribuables au lignage des Maulmont. Les différents sondages ont également mis au jour des restes de pavement retrouvés encore en place dans la tour ouest, ainsi qu’au rez-dechaussée d’une des salles dite d’apparat (Campech et al. 2000)
(Source - "Carreaux de pavements glaçurés du château Haut de Chalucet" / Patrice Conte)