Châsse saint Etienne de Gimel-les-Cascades
Datée des années 1160-1170, cette châsse de saint Etienne de l'Oeuvre de Limoges est une pièce majeure et un jalon historique marquant dans la production limousine médiévale.
La châsse de Gimel est également célèbre par les récentes péripéties de son vol en 1991 et de sa réinstallation dans le nouveau trésor de l'église en 1994.
Elle appartient au prestigieux groupe des châsses à fond vermiculé et figures émaillées - comme la châsse de saint Etienne du musée de Guéret, et est aujourd'hui reconnue comme la première châsse à décor hagiographique sur laquelle on voit apparaître des têtes en relief, marque spécifique de l'école limousine.
Elle est aussi remarquable par la richesse exceptionnelle des émaux et leur parfait état de conservation.
A la face majeure, sur deux registres, se déroule le cycle narratif de la Passion de saint Etienne : la Prédication, l'arrestation (caisse) et la Lapidation (toit). Les châsses de Limoges et de Guéret , illustrent le même thème.
A la face mineure, sous un portique d'arcades symbolisant leur demeure céleste, quatre apôtres sont mis en correspondance avec trois anges à mi-corps dans les médaillons du toit qui s'apparentent à ceux de la plaque de châsse de Brive-la-Gaillarde. Sur l'un des pignons, un autre apôtre tient un phylactère et une croix ; à l'opposé, un ange aux ailes éployées garde la porte du reliquaire.
Vraisemblablement commandée par un chanoine de la puissante famille de Gimel qui s'illustra au chapitre cathédral de Limoges, cette châsse était déposée jusqu'au XVIIIe siècle dans la chapelle de Braguse, construite, selon la légende, à l'emplacement du premier oratoire élevé par saint Dumine, ermite local, en signe de dévotion au protomartyr Etienne.
(Source - Emaux Limousins du Moyen Age / Images du Patrimoine)
Ce goût pour le décor et la narration se manifeste également dans l'adoption d'une gamme colorée particulièrement vive et variée enrichie d'un bleu ciel exceptionnel et du rouge lie-de-vin translucide, tonalité rare, obtenue en plaçant un fondant incolore sur le cuivre. Le travail du métal rivalise toutefois avec celui de l'émail par sa qualité et sa diversité.
Les cloisons sont d'une rare minceur, les fonds vermiculés s'interrompent pour laisser la place à d'autres motifs : imbrications évoquant des moticules herbeux ou quadrillages décoratifs. Sur toutes les têtes appliques, les yeux sont évoqués par des perles d'émail bleu lapis.
(Source - L'Oeuvre de Limoges / Musée du Louvre)
Cette iconographie pourrait correspondre aux principales reliques pour lesquelles l'oeuvre fut exécutée, puisque celle-ci abritait un ensemble de reliques, toujours conservées avec la châsse dans l'église Saint-Pardoux, notamment une fiole de verre médiéval contenant, selon la tradition, une "goutte de sang de saint Etienne", et divers fragments accompagnés d'authentiques ; le plus ancien de ceux-ci, sans doute rédigé au XIIIème siècle, mentionne les reliques des saints Pierre, Paul, André, Martial ... et beaucoup d'autres. Les quatre premiers saints mentionnés pourraient être ceux représentés au revers.
Toutes ces figures présentent le même style animé et expressif, qui se manifeste surtout dans les attitudes dansantes et les gestes démonstratifs. Ce style développé dans l'ouest et le centre de la France depuis environ 1100, s'épanouit dans un groupe de châsses à fonds vermiculés et à thème narratif. Mais la châsse de Gimel en offre certainement l'exemple le plus complexe et le plus "baroque", par la multiplication du nombre des personnages, dix pour la seule pièce de la lapidation, et la représentation soignée de nombreux détails décoratifs et traits anecdotiques savoureux, tels que les architectures aux pierres bicolores leur donnant un aspect de bossages, les port"es chargées de ferrures, les effets de marbrures sur les colonnes et de rosaces dans les nimbes, les vêtements ornés de "pois" et "pastilles". Les têtes en demi-relief appliquées sont toutes différenciées, et les visages gravés présentent des des expressions contrastées. Les uns et les autres sont cependant d'un traitement quelque peu brutal qui joint à l'agitation des corps et à la violence des gestes, confère à l'ensemble une saveur populaire opposée à celle, plus "aristocratique", d'autres oeuvres.
(Source - L'Oeuvre de Limoges / Musée du Louvre)